Afin d’illustrer le processus de résémantisation, on va renvoyer à la représentation murale d’un rite préhistorique africain (Fig.1), et aux quelques séquences du ballet romantique Bayadère, dans la chorégraphie de Rudolf Nureev en 1992, d’après Marius Petipa en 1877 (Fig. 2-10), qui vont constituer notre corpus d’analyse. Conformément à la définition de la résémantisation, le contenu sémantique initial (cérémonial-religieux) d’une figure chorégraphique, perdu dans le temps par la stylisation esthétique, peut être récupéré dans certains co(n)textes chorégraphiques. La figure que nous analysons se trouve représentée dans une fresque rupestre datant depuis dix milliers d’années. Elle a été découverte dans une grotte de la région d’ouest du Niger. Au premier plan de la peinture murale se trouve un groupe de sept femmes dans une position qui suggère un balancement du corps vers l’avant sur une seule jambe et les bras éloignés du corps. La scène ressemble bien à une posture de ballet ou à la position du « passé-développé» en gymnastique. Les paléoanthropologues considèrent que la séquence murale présente un moment du déroulement d’un rituel pratiqué par une communauté matriarcale (v. Ioan, 2002). La posture adoptée par les « danseuses» préhistoriques constitue une « attitude humble par rapport à un leader ou à une déesse», qui, en revanche, n’est pas représentée sur le mur de la grotte. (Les nombreuses lignes qui suggèrent la végétation confirment qu’à cette époque-là la région saharienne était encore fleurissante, ce qui constitue un argument pour une interprétation alternative de cette danse cérémoniale comme rite de fécondité voué aux divinités protectrices de la végétation et de la fécondité) (Ibidem). Incluse aujourd’hui même dans les spectacles de danse (comme telle ou en différentes variantes), cette posture n’a plus l’ancienne signification rituelle, mais elle a été récupérée de point de vue esthétique. En différents co(n)textes, la posture des personnages de la Bayadère évoque – par l’expression et la fonction – le discours kinésique des « danseuses» rituelles de la peinture murale. La figure est réalisée – probablement comme un signe de remerciement ou d’hommage adressé à la maison royale – par la danseuse sacrée, au moment où elle reçoit un panier de fleur, au deuxième acte (Fig. 4-5). Dans la même posture,  les membres de la cours honorent le rajah dans le premier acte (Fig. 6-7). La fille du rajah danse de même devant les invités lors des festivités fiançailles. Des variantes de la posture rituelle nigérienne sont adoptées par les bayadères qui dansent, dans le premier acte autour du feu sacré et du Grand Brahman (Fig. 2-3). Toutes les variantes mentionnées ont en commun le balancement sur une seule jambe et l’écartement des bras, mais elles diffèrent par l’angle que la jambe levée forme avec la verticale, par l’angle entre la colonne vertébrale et la jambe d’appui, tout comme par l’angle de la colonne avec l’horizontale. Dans la peinture rupestre,  la position des danseuses est telle que le dos est parallèle au sol et la ligne du dos forme avec la jambe levée un angle aux valeurs comprises entre 135-180 degrés. Les postures des danseurs classiques de la Bayadère reflètent une tendance accrue d’élévation du torse de sorte que la ligne du dos tend vers un angle de 180 degrés, mais non pas avec la jambe levée, comme dans le dessin africain, sinon avec la jambe d’appui. A la différence de la position des danseuses nigériennes, l’angle formé par les danseurs entre la ligne du dos et la jambe levée peut atteindre des valeurs inférieures à 90 degrés (par exemple, dans le balancement de la Nikiya sur une jambe, le panier des fleurs dans les mains, au-dessus de la tête). Mais l’épreuve de la commuabilité (classique dans la linguistique structurale et en prenant en considération la relation signifiant-signifié) ne soutient pas, du moins dans ce cas, la fonction distinctive des variations d’expression. Par conséquent, dans les co(n)textes choisis de la Bayadère, la posture rituelle est résémantisée, dans la mesure dans laquelle elle récupère certaines des significations qu’elle avait jadis eues, mais qu’elle avait perdues par la suite, au profit de la signification globale (esthétique) du discours. Cette posture récupère – symptôme de la résémantisation – soit la signification « autorité», soit la signification « sacré», soit les deux. Evidemment, notre interprétation n’est qu’une des interprétations possibles et elle est tributaire à un critère phylogénétique. Plus précisément,  à l’hypothèse que cette posture aurait eu autrefois, selon les paléoanthropologues, une signification rituelle. On peut donc conclure que, du moins, certains contextes, tels que ceux choisis de la Bayadère, actualisent des anciens traits sémantiques et permettent, ainsi, la résémantisation de quelques chorèmes.

For illustrate the process of resemantization, we shall resort to the mural representation of an African prehistoric rite (see Fig.1) and, respectively, some sequences from the romantic ballet La Bayadère, choreographed by Rudolf Nureyev in 1992, after Marius Petipa in 1877 (see Fig. 2-10), which will serve us as a corpus. In agreement with the definition of resemantization, the initial semantic content (ceremonial-religious) of a choreographic figure, lost in time through aesthetic stylization, may be recovered in certain choreographic co(n)texts. The figure we have in mind is represented in a mural painting dated ten thousand years ago and discovered in a cave from the western part of Niger. The foreground of the mural painting shows a group of seven women, in a position which suggests a forward swing of the body, on one leg, with the arms stretched apart. The scene resembles well a ballet posture or the position of the “balance” from gymnastics. Paleanthropologists believe that the mural sequence shows a moment from the performance of a rite practiced by a matriarchal community (see Ioan, 2002). The posture adopted by the prehistoric “dancers” signifies a “humble attitude towards a leader or god” who is, nevertheless, not represented on the wall of the cave. (The many lines suggesting vegetation confirm the fact that at that time, the Sahara region was still blossoming and provide an argument for an alternative interpretation of the ceremonial dance as a fecundity rite, dedicated to the protective divinities of vegetation and fertility) (Ibidem). Included in today’s dancing shows (as such or in other versions), this posture no longer carries the old ritualistic signification; nevertheless, it has been aesthetically recovered. In different co(n)texts, the posture of the characters from La Bayadère evoke – through expression and function – the kinesic discourse of the ritualistic “dancers” from the rite. The figure is performed – possibly as a sign of thanking or offering to the royal house – by the sacred woman dancer, when she receives a basketful of flowers, in Act II (see Fig. 4-5). In the same posture, the courtiers honour the rajah in Act I (Fig. 6-7). The rajah’s daughter dances similarly, on the occasion of the engagement ceremonies. Versions of the Nigerian ritualistic posture adopt the bayadères dancing, in Act I, around the sacred fire and the High Brahmin (Fig. 2-3). All the versions mentioned share the swing on one foot and the stretching apart of the arms, but differ in the angle which the lifted leg forms with the vertical line, the angle between the line of the spine and the supporting leg and the angle between the spine and the horizontal line. In the mural painting, the position of the women dancers makes the spine parallel with the ground and the line of the back forms an angle of approximately 135-180 degrees with the lifted leg. The postures of the classic ballerinas from La Bayadère reflect a more pronounced tendency of lifting the torso, so that the line of the back tends to forms a 180 degrees angle not with the lifted leg, like in the African drawing, but with the supporting leg. Unlike the position of Nigerian dancers, the angle formed by the ballerinas between the line of the back and the lifted leg may reach values even smaller than 90 degrees (for example, in Nikiya’s swing on one leg, with the basket of flowers raised in her hands, above the head). But the test of commutability (classic in structural linguistics and considering the relation between the signified and the signifier) does not support, at least in this case, the distinctive function of expression variations. Therefore, in the co(n)texts chosen from La Bayadère, the ritualistic posture is resemantized, to the extent in which it retrieves certain significations it once had but then lost, to the advantage of the global (aesthetic) signification of the discourse. The respective posture retrieves – a symptom of resemantization – either the signification “authority”, or “sacred”, or both. Obviously, our interpretation  is only one of the possible ones and tributary to a phylogenetic criterion. More exactly, it is tributary to the hypothesis that this posture could once have had, as some paleoanthropologists argue, a ritual signification. We may draw the conclusion that at least certain contexts, such as those already selected from La Bayadère, enact ancient semantic features and thus enable the resemantization of certain chorèmes.